Déguerpissement forcé en Côte-d’Ivoire: Après Danga, Adjamé et Treichville dans le viseur de la Sicogi

Par Connectionivoirienne

La politique sociale de Ouattara en question

La Sicogi a engagé l’épreuve de force avec les occupants des maisons coloniales, 6 ans après le début d’un dialogue de sourds entre les deux parties. Le mardi 8 mai 2018, les habitants des 78 logements de Cocody Danga, quartier non loin de la Cité rouge se sont réveillés sous les vrombissements des bulldozers surveillés par une horde de corps habillés en rage. Ils n’ont pas fait dans la dentelle. Tout a été rasé. L’huissier de justice commis à la tâche, faisant preuve de zèle est même allé au-delà de sa mission de destruction, muni d’une décision de la Cour suprême.

Selon le président de la Fédération des Associations des Consommateurs Actifs de Côte d’Ivoire (FACACI), Alain Tahi, un soutien inconditionnel des infortunés locataires, sur les 78 maisons en question, 23 devraient être épargnées mais les destructeurs n’ont pas fait de quartier. Selon le même interlocuteur soutenu en cela par le président du Collectif national des résidents des habitats coloniaux (Cnr), Huberson Bayoro, 34 occupants avaient décidé d’attaquer l’action de la Sicogi en justice. Ils perdront en 2016 le procès à la Cour suprême après avoir gagné en première instance. 21 locataires quant à eux, ont accepté les conditions de la Sicogi. A savoir, signature d’un document où ils reconnaissent que la Sicogi est propriétaire des maisons, laquelle signature est assortie d’un versement par la Sicogi de 560 mille FCFA en espèces dans un premier temps, et 440 mille dès que le locataire dépose la clé au siège de la société à capitaux publics. Au total, le propriétaire qui l’accepte encaisse 1 million de FCFA pour son départ. 23 locataires avaient décidé de ne pas rentrer dans ce jeu. Mais finalement ils ont été tous chassés de force.

Ce que les occupants de maisons coloniales d’Adjamé préparent

Après cette étape de Cocody, le Dg Fofana Bouaké et ses hommes lorgnent désormais du côté d’Adjamé Mirador, là même où se trouve le siège de la société d’Etat. L’ex-Dg Camara Loukimane s’y était déjà essayé en son temps mais n’est pas allé au bout face à la forte résistance que les habitants lui avaient opposée. Aujourd’hui encore, c’est le branle-bas dans ce quartier initialement connu sous l’appellation ‘’Habitat Agban BP’’. Les locataires sont gonflés à bloc après ce qui s’est passé à Cocody mardi. ‘’C’est une question de vie ou de mort’’, disent-ils là-bas en chœur car pour rien au monde, ils ne veulent partir, ayant pour argument de défense que ces constructions n’appartiennent pas à la Sicogi.
Pour rappel, ces maisons de type colonial, ont été bâties au tout début des années 50 par une entreprise française. Les premiers locataires y sont arrivés entre 1952 et 1953. Ils payaient entre 2 mille et 5 mille FCFA. Plus tard, ces maisons seront cédées en location-vente. La Sicogi a été créée quant à elle après 1960. A-t-elle repris les actifs de cette société ? Les habitants refusent d’y croire.
Cependant dès 2012, sous la direction de Camara Loukimane, la Sicogi avait tenté d’arracher ces maisons à leurs occupants actuels. Dans une note qu’elle adressait à cet effet aux habitants des dites maisons elle mentionnait ceci : « Ces logements (…) construits en 1950 soit 60 ans à ce jour répondaient aux besoins des Ivoiriens jusqu’à une certaine époque. Tel n’est plus le cas aujourd’hui et ce, depuis 1980. Ainsi en 1980, la Sicogi vous a informé de son désir de rénover ces quartiers par des constructions nouvelles. Aussi a-t-elle pris les dispositions pour reloger tous ses locataires à Yopougon. Mais n’ayant pas mis en valeur le terrain, beaucoup d’entre vous sont revenus s’installer dans les logements laissés vacants. Dans le souci de moderniser et parfaire l’environnement, la Sicogi va bientôt entreprendre les travaux de construction de logements neufs et commerces. »

Un délai de trois mois avait été donné mais jamais les habitants n’avaient bougé. Ils ne s’étaient pas laissé attendrir par le contenu de cette lettre reçue par chacun d’eux. Au total 1250 maisons sont concernées.
Lors d’une assemblée générale à Adjamé mardi dernier, les locataires ont démenti la version de la Sicogi soutenant que les habitants ont été relogés afin de libérer les maisons. ‘’C’est faux ! On n’a jamais été relogés’’, a rétorqué un participant. Pis, selon M. Bayoro, l’un des sites libérés à Treichville n’a jamais bénéficié d’une rénovation. Bien au contraire, informe-t-il, ce site a été vendu à une société immobilière française.

« Aujourd’hui nous sommes des victimes. A Cocody, j’ai vu des policiers et des loubards. Ils ont détruit les habitations. Si nous ne faisons rien, la même chose va nous arriver. Les avis à Cocody devaient expirer en juillet mais ils ont décidé d’agir en mai, en pleine année scolaire. Nous avons un président (de la République) ‘’délogeur’’. A partir de cet instant restez en alerte ! Ces maisons ne leur appartiennent pas, ils n’ont aucun papier », a galvanisé M. Bayoro. Puis Alain Tahi de la Facaci d’enfoncer le clou : « Le droit au logement est un droit constitutionnel. La Sicogi n’est pas propriétaire de ces maisons et elle est tombée dans la bassesse en utilisant des loubards. Les consommateurs sont avec vous ! Ne prenez pas le million de francs qu’ils vont venir vous proposer ! Nous irons ester en justice pour les 23 locataires déguerpis abusivement à Cocody.»

La preuve d’une politique antisociale

Ces agissements de la Sicogi sont symptomatiques des pratiques du pouvoir Rhdp qui ne laisse aucune place pour les couches défavorisées. Depuis 2012, les déguerpissements aux forceps se succèdent et dans la plupart des cas, sans indemnisation conséquente des pauvres personnes ainsi chassées. Les cas de Boribana à Attécoubé et des habitants du bord de mer à Port-Bouet en sont quelques exemples.

Le Dg de la Sicogi qui dans un article de notre confrère Afrikipresse sur le même sujet, jure qu’il a respecté toutes les procédures en évoquant notamment l’arrêté interministériel n° 27 MCU/ MEFP du 16 janvier 1995, oublie certainement qu’on ne construit pas une société avec des arrêtés ou des décrets. L’arrêté qu’il évoque stipule que ‘’Les logements de la Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière en location simple, à l’exception de ceux situés dans les quartiers à rénover, sont cédés à leurs locataires’’. Certes. Mais s’est-il une fois demandé pourquoi ses prédécesseurs ne l’ont pas exécuté jusqu’ici ?

Pour notre part, une solution concertée tendant à prendre en compte l’intérêt des locataires aurait été appropriée. Pourquoi ne pas, dans le cadre de la rénovation, construire des habitations en hauteur en cédant par exemple des appartements du rez-de-chaussée aux locataires actuels ? Ils ne cracheraient pas sur une telle offre et la Sicogi y aurait gagné en argent et en honneur aussi.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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