Éloges funèbres du petit fils Léon Konan Koffi, à son grand père Léon Konan Koffi

blank

Comment ne pas y voir, dans cette scène tragique que le destin m’impose, une belle ironie de la vie ?

Comment ne pas percevoir, dans ce clair obscur où l’espérance de la vie, viole l’indicible douleur de la séparation, une leçon des choses ?

Belle ironie, ai-je dit ? Oui, Moi, Léon Konan KOFFI, le petit Léon, ici, à cette tribune, entrain d’évoquer la monumentale mémoire de M. le Ministre d’Etat, LÉON KONAN KOFFI, le premier, le grand, l’illustre, la figure tutélaire, la pierre angulaire, le Baobab, la clef de voute…Mon bien aimé grand Père, de vénérée mémoire.

Oui grand papa, c’est une belle métaphore de la vie, LÉON KONAN KOFFI, parle de LÉON KONAN KOFFI…

Le fil est blanc, parce qu’il s’agit de parler de la vie, même si la circonstance est au recueillement, au souvenir. Je viens parler de vie, oui parce que la vie est plus forte que la mort.

« Vivre encore dans la mémoire des gens qu’on a aimés, c’est, n’être pas mort tout entier… » disait fort à propos Cécile Fée.

C’est pourquoi, grand papa, je souhaite mettre en lumière ces traits de ta personnalité, ces qualités imprimées dans nos mémoires. Pour que tu vives à jamais en nous et parmi nous.

Grand papa,
Hier, la République, l’État et la Nation ont dit, dans des formes qui appartiennent désormais à l’histoire, ton immense contribution à la construction de ce pays, la Côte d’Ivoire.

Grand Papa,
Hier encore, lors du vibrant Hommage militant que t’a rendu, la maison de Félix Houphouët Boigny, ton mentor, que tu pars rejoindre dans l’éternité, une voix autorisée a déclaré que nous, ta famille, devrions essuyer nos larmes, et rendre grâce à l’Éternel DIEU, non seulement pour ton remarquable service à l’humain, mais encore, pour ta famille que tu as honorée, tout le long de ton parcours sur terre…

Moi, je veux dire un mot sur les leçons de vie apprises à tes cotés.
Leçons de vie tirées de moments qualitatifs passés ensemble où, tour à tour, j’étais ton petit fils, ton collègue, ton homologue, ton chef de cabinet, ton apprenti et à chaque instant ton plus grand admirateur.

Cette admiration tu as voulu qu’elle soit vraie, c’est pourquoi tu t’es présenté à moi avec tes forces et tes petites faiblesses, tes qualités et tes imperfections.

Tu as été tout simplement un grand père attentionné malgré tes nombreuses et très hautes charges.

Tu soutenais qu’au village, l’éducation des enfants relève de la compétence des grands parents. Ils la font dans les champs. Mais toi, tu ne vivais pas au village. Tu étais un grand « commis de l’Etat ». Tu as donc fait de l’administration territoriale, notre champ à nous pour ne pas dire notre champ d’action.

Peu de personnes le savent. Lorsque nous étions en tournée ministérielle, nous partagions le même lit, tu me faisais prendre mon bain et m’habillais avant de penser à toi.

A tes côtés, j’ai aussi affronté l’angoisse et la terreur du grand vide. Ces fois, où nous avons échappé à la mort, d’abord en voiture puis en hélicoptère, tu t’interrogeais si ce n’était pas trop risqué de m’embarquer dans tes affaires d’adultes. Mais l’émotion passée, sur mon insistance, nous repartions quelques semaines plus tard, à la rencontre de la Côte d’Ivoire profonde, rurale et paysanne.

Grand papa, en dehors de toutes mes tantes qui étaient de vraies mère- poules déléguées, je préférai être avec toi qu’avec mes oncles.
Tonton Noel n’a pas réussi à faire de moi un Tennisman émérite comme Mc Enroe.

Tonton Virgile n’a pas réussi à faire de moi un Guitariste de la trempe de John Lennon.

Non plus, Tonton Germain n’a pas réussi à faire de moi un grand karatéka.

Avec Tonton Séraphin, paix à son âme, c’était un peu différent car, lui ne m’imposait rien avec sa tempérance légendaire. Et j’en profitais quelques fois.

Toi par contre, tu as réussi à me faire aimer la Côte d’Ivoire profonde Tu m’as quasiment tout appris.

En posant un regard d’adulte sur toutes ces choses que tu as accomplies, en démêlant l’écheveau de tant de témoignages sincères, méritoires et mérités, j’en suis venu à déduire, et c’est ici l’enjeu de mon verbe, que ta vie peut, dans une certaine mesure, être comparée au symbole de la clef.

Non pas seulement, pour servir à ouvrir ou à fermer une ou plusieurs serrures, mais surtout, pour :
Lier ;
Décloisonner ;
Relier ;
Nouer et renouer ;
Réunir :
Dialoguer ;
Rassembler ;
Pour concilier et réconcilier !
Mais aussi pour :
Protéger et Sécuriser.

Au propre comme au figuré,
La clef est Indispensable aux Prophètes et aux Rois,
Essentielle aux Présidents et aux Initiés,
Si précieuse au modeste, Parfois vitale à l’indigent…

Grand papa, tu as incarné ce symbole à la perfection, tu as porté haut, les valeurs de la clef, au moins sur trois grands principes de vie :

Premièrement, sur celui de l’Amour du prochain,
Je me souviens, tu me disais que de tous les 10 commandements inscrits dans le livre de MOÏSE, celui consacré à l’amour du prochain, était le plus complet. Qu’en cela, tu en faisais autant que possible, ton crédo.
Et j’ai vu de mes yeux d’enfant, comment tu pouvais dans la durée, voler au secours des autres, avec une rare générosité et bienveillante attention. Tu ne comptais pas ton énergie, tu ne discriminais jamais.

A sa demande, tu pouvais régler les frais de scolarité de l’enfant d’un parfait inconnu, des semaines plus tard, demander des nouvelles du rejeton, t’enquérir de ses résultats scolaires, et t’échiner longtemps après, à l’accompagner, dans les limites de tes possibilités, dans sa quête d’un emploi décent.

Tu n’aidais pas pour te dédouaner, tu le faisais par reflèxe et en toute sincérité, bien au-delà de la sphère de ta famille biologique.

Quand un jour, j’ai eu le courage de te demander ce que cela signifiait, tu m’as parlé tout bas en murmurant presque :
« Si je suis devenu celui que tu vois, je le dois à de parfaits inconnus sur ma route de vie »

Oui !!! C’est une inconnue qui a fait appel aux secours lors de ce grave accident de la circulation que tu as fait en 1979.
C’est cet Ange, qui t’a, en vérité sauvé la vie.
Oui !!! Ce sont encore des illustres inconnus qui t’ont épargné un destin violent et tragique, cette autre fois, où le pays tout entier menaçait de bruler…

C’est pourquoi l’inconnu était pour toi, plus connu qu’on ne le pense parce que c’était un-autre-toi-même !

Grand papa, j’en suis persuadé, cet amour du prochain et ce dévouement aux autres constituent les clés qui t’ouvriront les portes du royaume du Père Céleste.

Le deuxième principe, la deuxième clef que tu as incarnée est celle de l’humilité et de l’humour.
Tu as vécu simplement, tu étais simple, généreux et rempli d’humour. Parler de toi sans souligner ton sens de l’humour et ton esprit taquin, ce serait oublier une partie de toi. C’était ta plus grande force dans tes rapports avec autrui. Cet attrait te rendait différent,
Particulier,
Authentique,
Original !
C’est la raison pour laquelle, tu ne laissais personne indifférent.

Ton humilité, ton sens de l’humour et ta manière singulière de raconter des blagues ont été à mon sens ta « clef passe partout ».

La troisième clef représente quant à elle, la part de l’imparfait en toi, mais cela te rendait si idéal à mes yeux,

Grand papa, tu aimais la chanson, tu aimais les Chants Grégoriens, tu étais mordu de TINO ROSSI et en fredonnais des airs dans tes instants de détente.
Je dois cependant avouer, que tu étais un piètre chanteur. De plus, moi je préférais écouter du jazz. Cette musique ne te disait rien, et pour te moquer de moi, tu la qualifiais de « PIN-PIN-PIN ».

Sans doute, tu n’avais pas la bonne note, néanmoins, tu te souvenais toujours des paroles, même pour de très anciennes chansons, car tu avais une mémoire prodigieuse, tu avais une mémoire d’Éléphant.

Pour terminer, je veux faire un clin d’œil à ton sens du détail et à ta grande capacité mémorielle que tu as exercée, par ardeur à la tâche et par une farouche volonté de toujours bien faire.

Mais, ironie du sort, c’est cette mémoire distinctive qui t’a fait défaut lorsque la maladie a frappé à ta porte.

Cette dernière clef, je voulais m’en débarrasser. Cependant, à bien y réfléchir, ce peut-être un message subliminal que tu nous laisses, comme pour dire, à nous tous :

« Je vous laisse la clef de la mémoire, pour que je vive en vous ».
Je veux le comprendre ainsi.

Message reçu Grand Papa, je ne t’oublierai pas, Nous ne t’oublierons Jamais !

« Aimer Léon Konan KOFFI, c’est finalement garder précieusement toutes ses cléfs pour que tu demeures dans nos mémoires, je garde précieusement les miennes, depuis toujours » !

Au revoir Grand Papa !

Nous t’aimerons à jamais

Commentaires Facebook