Côte-d’Ivoire le rdr et «le quota de recrutement»: une provocation de trop

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La Chronique Politique de Marc Micael

C’est mon ami Y.A qui m’appela très tôt ce matin-là. Il y a de cela quelques jours. Il devait avoir quelque chose d’intéressant à me dire. Certes, Y.A n’a jamais caché son appartenance au parti à la case verte. C’est donc avec un enthousiasme à peine voilé qu’il m’annonça que l’ex-ministre Adama Bictogo, Secrétaire National chargé des relations avec les autres partis politiques au sein du Rassemblement Des Républicains (RDR), parti au pouvoir, avait tenu une réunion avec les jeunes militants, notamment ceux en manque d’emploi. Au cours de ladite réunion, face aux jeunes du RJR (Rassemblement des jeunes républicains), visiblement remontés et impatients, le ministre avait martelé que « le parti doit faire embaucher les jeunes ». Mon ami me fit savoir aussi que l’ex-ministre avait même ajouté : «que chaque ministre et DG fasse sa part ». Et qu’il avait enfin précisé qu’il « faut un quota de recrutement à chacun des responsables (du RDR, ndlr)».

Il est vrai qu’en Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs en Afrique, la question de l’emploi des jeunes a toujours été une question très préoccupante. Y.A a obtenu son BTS, il y a bientôt 4 ans de cela. Et depuis, à l’image de la majorité des jeunes ivoiriens, il est à la recherche d’un emploi. Le discours tenu, ce jour-là, par son responsable politique ne pouvait être pour lui qu’une excellente nouvelle.

Bien entendu, que des jeunes militants d’un parti politique aspirent à avoir du travail, n’a rien d’anormal. Mais qu’à la face de la nation toute entière, un responsable politique encourage des Ministres de l’Etat et des Directeurs généraux à initier des « quotas de recrutement » dans l’administration publique au profit exclusif des jeunes d’un parti politique, fut-il au pouvoir, est non seulement inacceptable mais surtout très inquiétant. Ces aberrations de l’ex-ministre Adama Bictogo sont à dénoncer et à combattre avec la dernière énergie. Car il s’agit bien ici de favoritisme, un acte anti-républicain, ce mal pernicieux qui ronge depuis longtemps notre société.

Faut-il le rappeler ? En Côte d’Ivoire, l’accès aux postes dans l’administration publique et même privée est égal pour tous sans exclusive. La Côte d’Ivoire ayant opté pour un régime démocratique, les possibilités d’emploi sont donc égales pour tous les ivoiriens. Pour les emplois dans l’administration publique notamment, les deux principales conditions sont d’être ivoirien et de posséder au moins le diplôme requis.

Si le RDR n’a eu de cesse, pendant qu’il est encore au pouvoir, de susciter des frustrés pour n’avoir pas tenue ses promesses, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même. Mais de là sortir des sentiers battus, à chercher des solutions qui sont loin d’être républicaines, pour un parti qui se dit républicain, est un véritable scandale, une fuite en avant et la preuve d’un échec cuisant dans la gestion même du pouvoir d’Etat.

Que sont devenus les milliers d’emplois promis par le chef de l’Etat Alassane Ouattara pour qu’on en soit aujourd’hui, au RDR, à intimer l’ordre à des ministres et à des Directeurs généraux de procéder à des recrutements arrangés pour les militants? Est-ce là un model de bonne gouvernance que de favoriser la facilité au sein de la jeunesse d’un parti ?

Que deviennent alors les autres jeunes, ceux qui ne sont pas des militants du RDR ? Ou, ceux qui ne sont simplement militants d’aucun parti politique ? Tous ces jeunes au chômage, à la recherche d’un premier emploi depuis des lustres ?

Et ceux qui poursuivent d’arrache pied leurs études, loin de la politique, espérant un jour décrocher un emploi au bout de leurs efforts?

Que devient la jeunesse ivoirienne en proie au chômage, si pour avoir la chance d’obtenir un emploi, il faille désormais figurer dans le « quota de recrutement » du parti au pouvoir ?

Au-delà de toutes ces questions, il faut surtout comprendre que nous sommes bien ici en présence d’un parti politique en pleine décadence, le RDR. La gestion du pouvoir d’Etat étant un exercice tellement délicat que pour y prétendre, l’on doit avoir les hommes qu’il faut, aux postes qu’il faut ; de véritables hommes de devoir qui font passer avant tout, l’intérêt du peuple et non des hommes corrompus et médiocres qui usent de leur position pour favoriser leur clan, leur familles ou leurs petits copains ; ces hommes indignes, mû par l’enrichissement personnel et illicite, tels qu’on en voit aujourd’hui au sein du gouvernement.
La révolte des jeunes chômeurs du RDR contre leurs dirigeants n’est en réalité que l’un des reflets de cette décadence amorcée. Passerons-nous sous silence la profonde problématique des frustrés occasionnés par ce parti et dont le nombre grandissant a atteint des proportions jamais imaginées ; à tel point qu’il est de notoriété que des personnes qui vouaient jadis à ce parti, admiration et confiance aveugle, lui tirent dessus aujourd’hui à boulets rouges, s’étant eux-mêmes rendu compte que ses hauts dignitaires se sont en fait servi d’eux pour parvenir à leurs fins ? Il est vrai que le RDR, en sus d’avoir floué ses militants traine encore ses casseroles: justice sélective, traque et emprisonnement des opposants, rattrapage ethnique, dictature, arrogance et mépris des autres… Même l’initiateur des « quotas de recrutement », Adama Bictogo, le reconnait : « Nous avons échoué… », a dit le très proche collaborateur d’Alassane Ouattara.

A l’orée de la fin du second mandat d’Alassane Ouattara, c’est la déception généralisée : le peuple proteste contre les factures trop élevées, il crie son indignation face à la vie devenue de plus en plus chère et l’insécurité galopante. Face à cela, des mesures, encore des mesures, mais toujours inopérantes… Si a ces pénibles réalités, dont le peuple a du mal à s’accommoder, il faille ajouter le sombre projet d’embauche exclusivement réservé aux jeunes du RDR à travers le sinistre système de « quotas de recrutement », au détriment de l’immense majorité des autres jeunes du pays, ce ne sera ni plus, ni moins que de la provocation, une provocation de trop du RDR, parti au pouvoir.

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