Éviter de faire du bourreau un martyr

Blé Goudé, ce fidèle parmi les fidèles de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, a été arrêté. Finie donc la cavale et que commence le jugement. Et c’est allé vite avec ce cas. Sitôt arrêté, sitôt transféré, inculpé et placé sous mandat de dépôt. Entre autres chefs d’accusation : atteinte à la sureté de l’Etat, assassinats, crimes, vols, destruction de biens publics… Charles Blé Goudé n’a pas eu la chance que d’autres comme Katinan Koné et autres ont eue.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans cette affaire, la Justice ivoirienne a pris les devants. Pourvu qu’elle soit transparente. C’est déjà bien qu’elle ait opté de prendre ses responsabilités et elle peut faire un travail honorable. Mais comment va se dérouler ce jugement ? Et que renferme toute cette histoire ? A l’allure où vont les choses, si l’on va sur le terrain des conjectures, l’on pourrait penser que les autorités ivoiriennes qui ont du mal à rendre effective la réconciliation et qui ont besoin d’un poids lourd du camp Gbagbo voient peut- être en Blé Goudé l’homme de la situation. Ce n’est pas impossible. Elles pourraient en effet le juger, trouver un arrangement et le faire participer au processus de réconciliation.

En ce moment, il n’aura pas payé jusqu’au dernier tous les crimes qui lui sont reprochés et cela va froisser les parents des victimes de la crise postélectorale et lui-même ne sera pas en sécurité dans son propre pays. Si d’aventure les choses se passaient ainsi et que la Cour pénale internationale réclamait la tête du « général de la rue », comment réagiront les autorités ivoiriennes ? Va-t-il rejoindre son mentor Gbagbo à la Haye ? En tous les cas, qu’on laisse aux Ivoiriens un document d’histoire très riche issu de cette affaire. Peuvent-elles remettre l’ancien leader estudiantin et laisser les autres que la CPI réclame, même s’il est l’un des plus recherchés ? Simone Gbagbo a peut-être fait pire et bien des noms sont sur les carnets rouges de la CPI.

En tout état de cause, les autorités ivoiriennes font montre d’une discrétion pour le moins suspecte. Mais c’est peut-être pour ne pas en rajouter à la complexité de la situation qui prévaut dans le pays. En un mot comme en mille, il faudra éviter la justice des vainqueurs. Que le droit soit dit ! Du reste, si l’inculpé bénéficie d’un procès équitable, il pourra se défendre. Par ailleurs, cette affaire démontre que les choses sont en train de changer au Ghana depuis la prise du pouvoir par les élections du président John Dramani.

Soit la donne a changé ou bien les décisions se prennent en fonction de la tête du client. Vivement que la Justice ivoirienne fasse le tout pour le tout pour que ce dossier reste judiciaire et non politique. Il y va de sa crédibilité. Charles Blé Goudé a trop fait pour bénéficier, certes, d’une remise de peine et tout autre avantage, mais ce n’est pas une raison pour lui solder les comptes.

Boureima DEMBELE
Le Pays

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