Municipales et hyper-présidence de Ouattara: Lider écrit au Conseil de sécurité

Municipales 2012: LIDER écrit au Conseil de sécurité

Suite à la saisine du Conseil de sécurité par le gouvernement ivoirien, qui a demandé l’appui de l’ONUCI pour l’organisation des élections municipales en 2012, Liberté et Démocratie pour la République (LIDER) a écrit au président du Conseil de sécurité pour faire connaître son point de vue de parti d’opposition sur la question.

Il est à noter que LIDER a également rencontré une délégation du siège de l’Onu dépêchée à Abidjan par le Secrétaire Général Ban Ki-moon afin de consulter les parties prenantes ivoiriennes sur la question.

Ci-après, le contenu intégral de la lettre du Pr. Mamadou Koulibaly au président du Conseil de sécurité, Néstor Osorio. Les représentants permanents des pays membres ont également reçu une copie du courrier, à travers leurs représentations diplomatiques accréditées en Côte d’Ivoire.

LIDER News

Abidjan, le 6 juillet 2012

Excellence Monsieur le Président du Conseil de sécurité,

Le président de la République de Côte d’Ivoire, Monsieur Alassane Ouattara, a officiellement sollicité le renouvellement du mandat de l’ONUCI, en demandant au Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies de rajouter à sa mission l’appui aux élections municipales, en plus des présidentielles et des législatives passées.

Dans ce contexte, nous, Liberté et Démocratie pour la République (LIDER), parti politique ivoirien d’opposition, avons le plaisir de vous faire parvenir la présente correspondance afin d’attirer votre attention sur ce qui suit.

Une élection ne sert pas seulement à choisir des élus politiques. Elle est aussi une méthode privilégiée de calcul démocratique du consentement collectif. Nous recommandons de ne pas précipiter l’échéance des élections municipales, mais plutôt de prendre le temps de les organiser dans un environnement favorable à la fois au scrutin et à la démocratie, mais également à la réconciliation et donc à la paix. A cet effet, il est primordial de traiter d’abord les différents problèmes sur lesquels repose l’instabilité du pays.

Il convient donc :

1. d’élaborer une nouvelle liste électorale crédible inclusive, prenant en compte tous les jeunes qui, en 2009, lors de l’élaboration de la précédente liste, avaient entre 15 et 17 ans et qui aujourd’hui ont tous plus de 18 ans, et sont donc de potentiels militants politiques et des électeurs;

2. de revoir la composition de la Commission électorale indépendante (CEI), qui compte toujours en son sein des membres d’anciens groupements militaires rebelles tels que le MPCI, le MPIGO et le MJP, signataires de l’accord de Marcoussis, qui sont par la suite devenus Forces nouvelles, puis aujourd’hui Forces républicaines de Côte d’Ivoire (armée régulière) ;

3. de réaliser le désarmement. Sur ce point, la mission de l’ONUCI devra définir clairement le nombre d’ex-combattants restant à désarmer. En effet, un litige subsiste puisque l’ONUCI dénombre 60 000 à 80 000 ex-combattants, alors que le président Ouattara, qui est aussi le ministre de la défense, annonce plutôt un effectif d’environ 30 000 ex-combattants;

4. de réaliser la réunification effective du pays ;

5. d’assurer le redéploiement effectif de l’administration sur l’intégralité du territoire national;

6. de donner un statut clair à l’opposition et de définir un cadre de financement pour les partis politiques ;

7. de réaliser le recensement général des populations avant la tenue du scrutin ;

8. de refaire le découpage électoral, qui lors des récentes élections législatives, a été réalisé de manière arbitraire par le président Ouattara, en violation des règles du code électoral de Côte d’Ivoire et du protocole additionnel numéro 2 de la CEDEAO sur la démocratie ;

9. d’assurer la sécurisation effective des biens et personnes sur l’entièreté du territoire national. En effet, l’insécurité notoire qui prévaut encore à ce jour, maintient des centaines de milliers d’Ivoiriens en exil et dans des camps de réfugiés, continue de coûter la vie des populations, parmi lesquels sept casques bleus de l’ONU, et entretient la peur et l’instabilité en Côte d’Ivoire. Dans ce contexte, il est difficilement envisageable que toutes les formations politiques désirant participer au scrutin puissent effectivement battre campagne en toute sécurité, que les électeurs puissent sereinement exprimer leur vote et que le résultat reflète la véritable expression démocratique nécessaire à la bonne gestion des municipalités ;

10. de déterminer clairement les contours de la certification du scrutin par l’ONUCI, si certification il y a, de manière à éviter les contestations. En effet, nous avons pu constater, lors du scrutin présidentiel de 2010, que le cadre flou de la certification a conduit à l’incompréhension des deux camps politiques qui s’affrontaient. Le concept, le contenu et la méthode doivent être clairement présentés à tous les acteurs du scrutin pour limiter les risques de contestations.

Face à l’hyper-présidence pratiquée par M. Ouattara, qui, plus d’un an après son investiture, continue de gouverner par ordonnances et décrets, en dépit de l’existence d’une nouvelle assemblée nationale issue des législatives de décembre 2011 – dans laquelle aucun parti d’opposition n’est représenté –, nous pensons qu’il n’y a aucune urgence à organiser les élections municipales en l’absence d’un cadre démocratique réel.

S’il est vrai que les scrutins locaux n’ont pas un enjeu aussi crucial que les élections nationales (présidentielle, législatives), l’élection municipale à venir sera – à raison – considérée par tous les Ivoiriens comme le socle d’une élection présidentielle de 2015 apaisée, pour laquelle seules quelques mises à jour devront alors être réalisées.

Nos recommandations visent à créer un environnement favorable au scrutin. C’est seulement en abordant et en résolvant ces problèmes que la Côte d’Ivoire pourra espérer tourner la page et avancer sur le chemin de la réconciliation et de la reconstruction, dans un environnement démocratique inclusif, juste et transparent. C’est sur cette voie que la mission de l’ONUCI devrait concrètement s’orienter pour sortir le pays de l’instabilité et retrouver la confiance des Ivoiriens.

Dans l’espoir que notre requête fera l’objet d’une attention particulière de votre part lors des délibérations du Conseil de sécurité du 18 juillet 2012, nous vous prions, Excellence Monsieur le Président, de croire en l’expression de notre haute et sincère considération.

(Signé) Mamadou KOULIBALY

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