Côte d’Ivoire: La question ethnique ivoirienne en débat avec le journaliste-écrivain André Silver Konan de Jeune-Afrique

André Silver Konan Côte dIvoire: La question ethnique ivoirienne, notre débat avec M. André Silver KonanSur le réseau social Facebook, nous avons rejoint un fil de discussion ouvert par M.André Silver Konan, écrivain-journaliste Ivoirien (Jeune Afrique…) dans lequel il était question de son indépendance en tant que journaliste.

La question est celle qui suit. Cependant notre échange ne s’est pas limité à ce sujet car nous avions l’intention de l’interpeller au sujet d’un article par lui écrit dans le magazine Jeune Afrique dont le titre était: « Côte-d’Ivoire: vers l’invalidation de l’élection de certains députés selon Jeune Afrique »

Une phrase à « relent ethnique » dans cet article nous a fait réagir.
Nous voulions soumettre à votre à votre attention cet échange (avec sa permission) car nous estimons (voir plus bas) qu’un des noeuds gordiens de notre pays est la question ethnique.

André Silver Konan

Question: « Pourquoi dans vos écrits, vous ne ménagez pas Laurent Gbagbo ? ».

Réponse: « Non, il faut plutôt dire: « pourquoi vous ne ménagiez pas », parce qu’actuellement, je ne critique plus les dérapages sous M. Gbagbo, puisqu’il y en a eu.M. Gbagbo était au pouvoir et ses proches ne voulaient pas qu’on critique son action.Pour moi, M. Gbagbo, c’est du passé.

Actuellement, il y a un nouveau pouvoir et c’est son action que je décrypte.
Je puis vous assurer que je reçois beaucoup de critiques de certains proches du pouvoir, qui me demandent de me déterminer.Cela me fait sourire.
Les pauvres, ils croyaient que je menais un combat pour eux… » (Interview au journal catholique La Nouvelle)

Vérité Réconciliation Côte d’Ivoire:

Monsieur Konan nous saluons votre travail et votre credo d’indépendance.
La critique impartiale est un exercice de funambule chez nous: nous en sommes témoins.
Quand nous publions des articles sur notre site, il y a souvent deux réactions diamétralement opposées. Quand ce ne sont pas les pro-Ouattara qui se plaignent, ce sont les pro-Gbagbo. Tous ont envie de vous coller une étiquette… C’est plus simple pour justifier leurs pensées.
On doit TENTER (en capitales car ce n’est pas évident) d’être indépendant quand on veut rapporter un fait ou faire une analyse.
N’en déplaise aux esprits chagrins…

« Bété comme Laurent Gbagbo…

Cependant, nous vous interpellons sur un de vos articles parus récemment dans Jeune Afrique que nous avons mis en ligne (sans votre autorisation, pardon pour cela…).

« Côte-d’Ivoire: vers l’invalidation de l’élection de certains députés selon Jeune Afrique »

Vous écrivez à propos de M. Djédjé Mady :

« Bété comme Laurent Gbagbo, modéré, a le profil du poste, au moment où les autorités multiplient les actes symboliques pour favoriser à la réconciliation »
Pour nous cette phrase est tendancieuse, car auriez-vous écrit « Dioula comme comme Alassane Ouattara… » ?.
Nous vous concédons le fait qu’écrire beaucoup n’est pas facile. On est souvent amené à prendre des raccourcis pour donner de l’étoffe au texte etc… Mais là on doit être plus attentifs!

Depuis le lancement de notre site, nous avons beaucoup lu, parcouru des centaines articles pour maintenant arriver à une certitude:

« La vision ethnique et le monstre de l’ivoirité qu’elle a engendré sont la source principale de nos malheurs »

Nous entendons des ricanements (avions besoin de parcourir des centaines d’articles pour nous en rendre compte? Nous répondons oui : car nous nous méfions des truismes… Il nous fallait remonter le temps!). Bon fermons cette parenthèse.
Nous espérons vous lire (voire vous publier…) mais promettez nous de tenir compte de notre voeux: « Eviter les clichés ethno-centriques ».

André Silver Konan:

J’ai vu l’article que vous avez repris. Vous pouvez reprendre mes articles dès lors qu’ils tombent dans le domaine public, en précisant toutefois la source.
Je n’ai pas écrit cette phrase pour donner de l’étoffe à mon article. Je n’en ai pas besoin, je ne suis pas payé à la pige.
C’est en toute connaissance de cause.
N’avez-vous jamais entendu des Ivoiriens dire que M. Soro ne doit pas occuper le poste de président de l’assemblée nationale parce qu’il est du nord comme Ouattara ?
Eh bien, moi, je l’ai entendu et j’ai entendu de nombreux Ivoiriens dire aussi qu’un Bété (comme Laurent Gbagbo) à l’assemblée nationale contribuerait justement et quelque peu à faire avancer le processus de la réconciliation.
Vous avez parfaitement raison: « la vision ethnique…la source principale de nos malheurs ».
Ce n’est pas en le niant que nous allons régler ce problème, c’est en l’admettant.
Moi, je l’admets sans en être un héraut.
Et je ne prends pas de gants pour le dire, pour une raison toute simple! : ma mission n’est pas de réconcilier les Ivoiriens, mais de les informer, en écrivant ce qui est juste.
La mission de la CDVR, elle, est de réconcilier les Ivoiriens, pas de les informer.
Elle ne les réconciliera pas en invitant les journalistes à fermer les yeux sur une évidence qui crève les yeux et qui est « la source principale de nos malheurs ».
Le président Banny et moi, avons déjà discuté sur ce sujet, en présence de témoins. Il connait ma position là-dessus. Elle n’a pas changé.
Au demeurant, quand j’ai dénoncé les nominations à caractère ethnique en juin, des confrères m’ont tiré dessus.
Je me suis entretenu, sans rancunes, avec plusieurs d’entre eux. C’était à l’époque où les FRCI occupaient systématiquement les commissariats.

Je leur ai dit:

Vous qui êtes du Nord, auriez-vous accepté, sous Gbagbo, que des gens vous accueillent dans un commissariat en parlant Bété ?

Auriez-vous accepté, sous Bédié, que les policiers demandent vos pièces en Baoulé ?
Eh bien, si vous ne l’auriez pas accepté, alors comprenez ceux qui, aujourd’hui, n’acceptent pas qu’on leur parle Dioula dans un commissariat et refusent de se faire racketter sur une route par un homme en treillis et en armes s’exprimant en Dioula.

J’ai ajouté ceci:

Ce qui n’était pas acceptable sous Bédié ou sous Gbagbo, ne doit pas l’être sous Ouattara.

C’est une question de principes et c’est aussi simple que cela.
En définitive, je suis écœuré de voir que des gens trouvent des explications au tribalisme, alors que hier, ils étaient les critiques les plus violents contre ce grand mal de l’Afrique…

Vérité Réconciliation Côte d’Ivoire

La qualité d’un homme peut être jugée (entre autres) par le temps qu’il accorde à défendre ses opinions.

Votre réponse n’étant pas lapidaire, vous honore. Merci d’avoir pris le temps d’écrire ces lignes « d’explication ».
Ne voyez pas dans notre naïve tentative d’explication de la raison qui vous a amené à écrire cette phrase, une injure à votre professionnalisme…

Nous citons toutes nos sources. Notre projet n’est pas de nous approprier le travail des autres. Notre but consiste à tenter de créer un espace de mémoire… C’est pour cela nous rassemblons les articles de qualité qui donnent sens au processus de Vérité d’abord puis de Réconciliation ensuite. Merci d’accepter que nous reprenions vos articles… du domaine public.

Pour revenir au sujet abordé, « la vision ethnique… »

Nous ne nions pas le fait ethnique… Trop d’encre a coulé sur le sujet! Parfois même de la boue plutôt que l’encre… (cf. les écrits de M. Konan Venance de l’époque).
En tant que journaliste, sans en être un héraut, l’écrire c’est en devenir une caisse de résonance (tout dépend du contexte de l’article évidemment).
En lisant cela, vous aurez raison de vous en offusquer.En première lecture, vous vous direz mais de quoi se mêlent-ils?
« Ont t’ils la prétention de m’obliger à l’auto-censure? Moi l’indépendant? »
En deuxième lecture, une fois l’émotion passée et la « confiance » (car nous ne sommes pas des adversaires) rétablie, vous comprendrez que notre intention n’est pas celle là.
La même phrase de part d’autres journalistes de quotidiens nationaux très marqués politiquement, nous aurait certes indisposés mais nous n’en ferions point « une affaire ».
Sans flagornerie, vous faîtes partie de ceux dont nous estimons les écrits. D’où notre réaction…
Nous non plus n’avons pas pour « mission » de réconcilier les Ivoiriens: pas par principe mais par objectif.
Le nôtre est créer un espace de mémoire…virtuel où chacun puisse apporter sa brique de vérité pour construire une petite case d’histoire…
La mission de la CDVR est, sans vouloir vous contredire, d’informer surtout. Le V de la Vérité est la condition sine qua non du succès de sa mission.
Nous pensons que du problème ethnique, elle devra en établir tous les contours pour ensuite trouver la meilleure stratégie pour nous aider à le dépasser.
Les media ont certes le devoir d’informer mais devront aussi essayer de nous aider à sortir de ce piège…
Oui, les media: car ce ne sont pas des êtres éthérés dénués d’attachement physique naviguant dans les limbes de la pensée.

Comment? Pas en écrivant des articles de propagande « ethno-philes » (pardon pour le néologisme…) mais en s’abstenant tout simplement d’offrir des points d’ancrage aux clichés ethno-centriques.

Comprenez nous, nous ne le disons plus pour vous… Car nous vous avons lu et bien lu.

Très cordialement.

André Silver Konan:

Je crois qu’on s’est compris.

Vérité Réconciliation Côte-d’Ivoire

Merci.

Source:
Vérité et réconciliation Côte d’Ivoire
http://verite-reconciliation.org

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