Suspension de Notre Voie: Eugène Kacou entre militantisme et abus de pouvoir

C’est un secret de polichinelle. Eugène Dié Kacou, président du Conseil national de la presse (Cnp), est un militant invétéré du Pdci-Rda, allié du Rdr d’Alassane
Dramane Ouattara dans le cadre du Rhdp. Depuis l’arrivée au pouvoir de Ouattara dans les conditions catastrophiques que l’opinion nationale et internationale sait,
Eugène Dié Kacou est devenu un thuriféraire actif du nouveau régime, prêt à couper toutes les têtes, dans le milieu de la presse ivoirienne, qui se hasarderaient
à critiquer le régime Ouattara. Comme il fallait s’y attendre, ce sont les journaux proches de l’opposition qui se trouvent dans le collimateur d’Eugène Kacou. Les
quotidiens «Notre Voie», «le Temps» et «Aujourd’hui» ont été, pour les deux premiers, suspendus. Et pour le dernier, la suspension s’étend sur un mois. La
raison ? Avoir porté à la connaissance du public, les vérités que le Cnp et le régime Ouattara voulaient tenir cachées. L’exemple de la suspension du quotidien «Notre
Voie» pour trois (3) parutions, du vendredi 23 au mardi 27 septembre, est révélateur. Dans la décision n°161 du 22 septembre émanant du Cnp, Eugène Dié Kacou
justifie la suspension de Notre Voie par la violation, dit-il, du code de déontologie du journalisme professionnel et l’atteinte à l’éthique. «Que dans son édition n°3940
du lundi 19 septembre 2011 dans sa rubrique «Ah les exactions » à la page 3, le quotidien Notre Voie a publié un article intitulé  »Kouibly : Les Burkinabé arrachent
des terres à Ouyably-Gnondrou » ; que dans ledit article le CNP a pu relever les passages suivantes : «La sous-préfecture de Ouyably-Gnondrou va droit vers
une guerre des terres et forêts. Selon nos sources, depuis qu’Alassane Dramane Ouattara est parachuté au pouvoir (sic), les Burkinabé se croient intouchables et
s’érigent en propriétaires terriens en lieu et place de leurs tuteurs autochtones. Les Burkinabé s’approprient les terres des populations autochtones sans un minimum
de considération pour elles. Tous les litiges fonciers sont tranchés en leur faveur par les dozos et FRCI qui font la loi dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire … ». «Ces Burkinabé
nous narguent et nous apprennent que c’est leur frère qui est au pouvoir ici», indique un fils de Ouyably-Gnondrou qui nous a joint au téléphone», mentionne le Cnp.
Eugène Dié Kacou estime que cet article relatif aux problèmes de terre à Kouibly, a un caractère xénophobe et constituerait une incitation à la haine et à la révolte contre
les ressortissants Burkinabé. Même son de cloche, selon Dié Kacou, pour l’article intitulé «Massacres de Duékoué / Le témoignage terrifiant d’un rescapé» publié dans
l’édition du 20 septembre dernier. Eugène Kacou bafoue le code de déontologie pour des intérêts partisans.

L’analyse des accusations contre Notre Voie à l’aune du code de déontologie permet de comprendre la vacuité de la condamnation du Cnp. Mais surtout de savoir qu’Eugène Kacou a abusé de son pouvoir afin de tenter de faire taire Notre Voie, un journal gênant pour le pouvoir Ouattara. En effet, l’information livrée par Notre Voie
relativement aux problèmes fonciers dans l’Ouest du pays est à la fois vérifiable et d’actualité. Les propos rapportés par le quotidien Notre Voie sont bel et bien ceux
tenus par les populations de l’ouest de la Côte d’Ivoire en général et en particulier ceux des habitants du village d’Ouyably-Gnondrou confirmés par un fils du village
qui a requis l’anonymat pour des raisons évidentes de sécurité. Eugène Kacou avait la possibilité de vérifier l’information et l’existence dudit village. Il ne l’a pas fait. Le président du Cnp affirme que c’est faire preuve de xénophobie que de rapporter les propos d’une victime qui identifie clairement ceux qui l’ont agressé. Nulle part
dans l’article incriminé, Notre Voie n’a fait un commentaire pour clouer au pilori les ressortissants Burkinabé. Le journal s’est tenu à la relation des faits et au rapport des

propos des populations qui ont fui leur village. Notre envoyé spécial dans la zone a même donné la parole aux Frci, face au refus des ressortissants burkinabé de
s’exprimer, afin que ces forces accusées, à tort ou à raison, de soutenir les allogènes donnent leur position. Cela a été fait dans les éditions suivant celle indexée du 19
septembre par Eugène Kacou.

Dié Kacou viole le code de déontologie

Tout ce travail journalistique, Notre Voie l’a accompli dans le respect strict du code de déontologie. Un code dont Eugène Dié Kacou a décidé volontairement de faire
table rase au nom d’intérêts partisans. D’autant que le code de déontologie stipule clairement dans son article 1er relatif aux devoirs des journalistes : «Respecter les
faits, qu’elles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité». L’article 2 poursuit : « …ne pas
supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les propos, les textes et les documents». C’est dans cette veine que Notre Voie a rapporté in-extenso les propos
tenus par cet habitant du village d’Ouyably-Gnondrou au sujet des expropriations de terres conduites par les allogènes burkinabé. L’article 8 de ce même code rappelle : «Ne jamais révéler les circonstances dans lesquelles le journaliste a connu les faits qu’il rapporte, et ce, pour la protection de l’auteur des informations qu’il a pu
recueillir». Cette autre précaution a pu être prise puisque le chapeau du témoignage fait des précisions sur la sécurité du journaliste et de la victime.
Militant du Rhdp, Eugène Kacou qui estime, sans doute, que la situation dramatique que vivent les populations dans l’Ouest du pays est normale, ne voulait pas que
Notre Voie dévoile le pot aux roses. D’où ce viol flagrant de l’article 3 du code de déontologie qui mentionne qu’il faut «défendre, en tout lieu et en toute circonstance,
la liberté qu’il (le journaliste) a d’informer, de commenter et de critiquer, en tenant le scrupule et le souci de la Justice comme règle première dans la publication honnête
de ses informations». C’est ce que Notre Voie a fait pour le respect qu’il a pour le public. Quant à Eugène Kacou, les souffrances du peuple ivoirien importent peu à ses yeux. Seuls comptent le régime Ouattara et évidemment son militantisme au Rhdp.

Didier Depry
didierdepri@yahoo.fr

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