Témoignage – Côte d’Ivoire, les pro-Gbagbo tirent lâchement sur des femmes à Abobo: 8 morts

Une des victimes

Ce jeudi 03 mars je me suis décidé à aller rendre visite à mes parents restés de l’autre coté de la commune d’Abobo vers PK 18. En route j’ai rencontré à ma grande surprise et avec joie une foule de femmes en route pour un meeting qui devrait regrouper uniquement que des femmes, rien que de femmes. Par petits groupes, joyeuses comme des enfants qui venaient de recevoir leurs cadeaux d’anniversaire, elles avançaient insouciantes et convaincues que leur sécurité était garantie.

A peine avais-je essayé de me renseigner pour en savoir d’avantage que nous avons entendu des rafales d’armes automatiques suivies de détonements assourdissants au rond point d’Abobo, juste à l’entrée de la commune du coté de la casse. C’était la débandade totale. Partout des femmes en pleure couraient. Les unes criaient « on a coupé sa tête, ho Dieu comment des hommes pouvaient t-ils tirer sur des femmes aux mains nues ? », « Comment Gbagbo pouvait-il faire cela.» criaient-elles à vous déchirer le cour. De loin j’apercevais une colonne de véhicules militaires composés d’un cargo précédé d’un véhicule blindé de la Brigade anti-émeute (BAE) et d’un char. Autour de moi, les conversations allaient bon train.
« Que ce passe t-il ? ». « Ce sont les hommes de Gbagbo qui viennent de tirer sur les femmes et il y en a huit qui sont mortes et beaucoup de blessées. Parmi les corps deux ont la tête coupée voire en bouillie. C’est horrible, c’est horrible ! ». « Mais pourquoi ? ». « Je ne sais pas. Maiiiis il est mauvais quoi ce type papapapa hum. »

Juste à côte de moi, une dame en sueur et en sanglot s’interrogeait: « On ne comprend pas. A Adjamé, Treichville, Koumassi les femmes ont marché et on n’a pas tiré sur elles. Pourquoi c’est ici qu’on nous tire dessus ? ».

Le spectacle qui s’offrait à nous n’avait pas de nom pour expliquer son niveau de cruauté. Les corps gisaient sur le goudron dans des marres de sang qui semblaient les cimenter comme pour offrir un angle approprié à la meute de photographes de ce moment triste de l’histoire que notre conquête de la démocratie, gardera pour les générations futures. Ici gisait une femme à moitié couverte d’un pagne maculé de sang coagulé. La foule de femmes massées criaient en chour et en se tordant de douleur émotionnel « Oh Dieu c’est une femme enceinte Oh Dieu elle est enceinte » Là, c’était le spectacle d’une femme couchée sans vie à coté de la douille de roquette qui la décapité net. Elle n’avait plus de tête. Le corps se débattait encore comme pour interpeller la foule de lui venir en aide tant elle débordait encore d’énergie. Là bas, la foule avait fini d’avaler le troisième corps. C’est le spectacle d’une jeune fille d’environ 14 ans en pleure couverte de la chaire et du sang des victimes qui m’a dissuadé de ne pas m’approcher d’avantage. Là-bas, à environ une dizaine de mètre de moi, c’est un pousse-pousse qui transportait une des victimes vers un lieu que je n’ai pas cherché à savoir, tant le spectacle était insoutenable. En tout, l’on avait dénombré neuf corps de femmes fauchées ce matin.

Je n’avais, à cet instant là, pas pensé aux blessés. Selon les informations qui me parvenaient, il y en avait prêt d’une vingtaine. J’en ai vu avec la main coupée, l’épaule ensanglantée. Les minis cars improvisés en ambulance, en transportaient dans des cliniques de fortunes du quartier, pendant que certains étaient carrément portés par des amis, des parents et jeunes gens, tous pressés d’apporter leur aide. Le cafouillage était indescriptible et insoutenable à la fois.

A cet instant, plusieurs questions défilaient dans ma tête.

– Qui a organisé une telle marche sachant bien que la commune est désormais une cible militaire pour le camp Gbagbo ?
– Les organiseurs ne savaient-ils pas que les insurgés avaient humilié les FDS-Ci dans « Bagdad cité », la nouvelle appellation d’Abobo ?

En tout cas, l’on peut l’affirmer sans se tromper, que ce jeudi 03 mars, une étape a été franchie dans l’horreur en Côte d’Ivoire. Les FDS-Ci ont osé tirer, blesser et tuer des femmes, des mères de famille. Leurs enfants sans aucun doute viendront grossir le nombre des milliers d’orphelins anonymes à jamais marqués dans leur vie.

De loin j’apercevais des jeunes gens qui, renseignements pris, s’étaient mis en route pour aller déloger les habitants des quartiers qui sont du même bord ethnique que la coalition de la majorité présidentielle (LMP). D’un kiosque à café où la foule s’était regroupée, fusaient des propos hostiles et désapprobateurs à leur égard.

« Mais si vous faites cela, vous aidez Gbagbo à atteindre son but qui est de nous entrainer dans une guerre civile. Arrêtez donc et restez tranquille et surtout, n’oubliez pas que dans le RHDP il n’ya pas que des Dioulas ! », conseillait un homme, la quarantaine révolue et visiblement au faite de la situation et parfaitement conscient de l’impact de cette sortie des FDS-CI.

« Mais moi ce qui m’étonne c’est que quand les FDS sont arrivés vers la mairie, nous étions loin de nous imaginer qu’elles allaient tirer sur la foule. Elles ont mêmes été applaudies par les femmes. Mais c’est vers la casse, à la sortie que le char qui était en tête de la colonne a tiré. Nous avons constaté que les autres qui étaient en arrière dans le cargo semblaient affectées par ce qui venait de se passé. Nous avons en effet remarqué que le cargo essayait se s’arrêter mais compte tenu de l’ampleur du drame et la crainte de la réaction de la foule il est parti en trombe finalement. En tout cas c’est le comportement des lâches. S’ils sont des garçons, ils devraient commencer à tirer depuis la mairie, au lieu d’attendre d’être hors de la foule avant de tirer sur elle ». Faisait remarquer un des participants au meeting.

De toutes les façons le mal était déjà fait et les réactions au regard des propos qui se tenaient ça et là, ne présageaient rien de bon. Tout y passait. Le camp d’Alassane Ouatara était accusé pour sa persistance à vouloir négocier avec Gbagbo, alors que manifestement les gens mouraient et les vivants avaient du mal à joindre les deux bouts.

Personnellement, j’étais choqué par cette volonté manifeste et inexplicable de tuer froidement. Une certitude. Aujourd’hui, Abobo a encore une fois de plus perdu des enfants qui étaient venus s’exprimer librement les mains nues. Certes ils soutenaient leur camp, celui de Alassane Dramane Ouatara, mais c’était en chantant et en dansant, comme dans toute démocratie qui se respecte.

Pourtant ailleurs dans la même ville d’Abidjan, les femmes du camp de Laurent Gbagbo ont manifesté devant les locaux de l’ONUCI sans que les soldats ne tirent sur elles. A port-Bouet, la force française « licorne » n’a pas tiré non plus sur les jeunes patriotes, mais les ont dispersé avec les méthodes conventionnelles en la matière malgré leur hostilité évidente contre les français. Alors pourquoi au tour des femmes d’Abobo les FDS tirent aussi lâchement ?

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