Côte d’Ivoire – Pays enclavés: L’Hinterland donne dos au port d’Abidjan

Photos Roland Grard

Par Hervé d’Anvers, Abidjan pour connectionivoirienne.net

Crise post électorale/ Port autonome d’Abidjan – Pays enclavés : L’Hinterland donne dos au port d’Abidjan

L’impasse sociopolitique qui secoue la Côte d’Ivoire depuis la proclamation des résultats de l’élections présidentielle, lui donne à nouveau les caractéristiques de pays infréquentable, mettant du coup ses activités économiques en mal. Grand perdant de cette mauvaise parenthèse, l’hinterland, premier consommateur du port autonome d’Abidjan.

Quand la Côte d’Ivoire s’inscrivait sur la liste des pays qui disputent la palme de l’instabilité dans une Afrique de l’ouest tenue en laisse par les guerres et autres travers en septembre 2002, rien ne présageait que les indicateurs du port autonome d’Abidjan, baromètre de l’économie ivoirienne se tiendraient au vert dans la période de 2008 à 2009. Mais la crise post électorale déclenchée fin 2010, a freiné de façon considérable ses activités économiques surtout à travers les pays enclavés (Mali, Burkina Faso, Niger). Depuis, ces pays, partenaires économiques de la Côte d’Ivoire, ont vu leurs marchandises bloquées. Ce, par le fait de la voie ferrée suspendue jusqu’à nouvel ordre et de l’insécurité avec ses corollaires de tracasseries routières qui ont atteint un seuil désespérant. Ces pays, dont l’approvisionnement en produits de premières nécessité, tels que l’huile, le sucre, le gaz…, se fait principalement à partir du port d’Abidjan se voient dans l’incapacité de tenir leurs engagements commerciaux vis-à-vis de celui-ci. Le mur lézardé, les ports concurrents à celui d’Abidjan tels que ceux de Cotonou au Bénin, Tema au Ghana, Lomé au Togo et Dakar au Sénégal, n’ont pas attendu une minute pour multiplier les actes de lobbying à travers l’hinterland, autrefois, la chasse gardée du baromètre de l’économie ivoirienne. Une situation qui met en mal les activités du PAA, malgré ses offres commerciales à la bourse des opérateurs économiques et de ses infrastructures qui font de lui, le port le plus performant d’Afrique de l’ouest.

Un port contournable…

La crise ivoirienne est l’occasion favorable pour que les ports concurrents à celui d’Abidjan d’accorder des facilités aux pays enclavés. Le plus grand avantage que ces ports offrent par rapport à celui d’Abidjan est la sécurité du cadre des affaires. Dès le déclenchement de la crise post électorale en Côte d’Ivoire, c’est le port de Cotonou au Bénin qui a commencé les hostilités. Par le biais du receveur des Douanes dudit port, les autorités portuaires béninoises font publier un communiqué dans la première semaine du mois de janvier 2011, pour annoncer les avantages qu’avait obtenu le Conseil Malien des chargeurs (Cmc) en faveurs des opérateurs économiques Maliens. Une aubaine saisie par les opérateurs économiques Maliens. Même si selon ceux-ci, le port de Cotonou favorise les échanges commerciaux entre le Mali et le Bénin; lesquels échanges améliorés du fait de la crise en Côte d’Ivoire, il n’en demeure pas moins qu’ils (les opérateurs économiques maliens/ Ndlr) préfèrent de loin le port de Tema au Ghana à cause disent- ils « de la sécurité ». N’empêche que l’allongement de la distance par rapport à Abidjan n’est pas sans conséquence malgré le niveau sécuritaire acceptable. Désormais, les conducteurs maliens sont payés 32,5F Cfa par tonne kilométrique, au lieu de 32 Fcfa. « Espérons que la persistance de la crise ivoirienne, ne fera pas atteindre le plafond qui est de 36 F cfa la tonne kilométrique », s’inquiètent- ils.

Le port de Lomé au Togo, éloigné de Bamako de 2000 Km n’est pas en marge des actions commerciales de charme. Aussi, le port de Cotonou, en pôle position par rapport à Niamey au Niger, ne veut pas perdre de vue cet autre pays enclavé très important du fait de la découverte du plus important gisement d’uranium au monde. Ce gisement dont le trafic a représenté un peu plus de 400.000 tonnes pour l’an 2008 ainsi que les importations annuelles de plus de 120.000 tonnes constituées de souffre et autres produits chimiques fait l’objet de convoitise de tous les ports de la sous région. Le port d’Abidjan va-t-il perdre ce marché du fait de la crise ? La question reste posée, pour sûr, le port autonome de Cotonou appuyé par les autorités compétentes béninoises charme les opérateurs économiques du Niger. La réduction de la distance Niamey – Cotonou évaluée à un peu plus de 1000 Km, est un atout pour que le port de Cotonou face aux autres ports dans la conquête de l’hinterland nigérien. Et un chemin de fer pourrait relier les deux capitales. Même si les opérateurs économiques Nigériens apprécient le projet, il n’en demeure pas moins qu’ils restent convaincus que seul le port d’autonome d’Abidjan reste ‘’leur port naturel’’. « Le projet de ferroutage initié par le directeur général du paa, réduit énormément la distance Niamey – Abidjan via Ouagadougou longue d’environ 1700 Km. Les opérateurs Nigériens ne parcourent que 525 Km environ (Niamey – Ouagadougou) pour venir chercher les marchandises en camion. Mais nous aurions souhaité le prolongement du chemin de fer qui part d’Abidjan et s’arrête à Ouagadougou. Nous préférions que les pays concernés s’accordent sur le moyen de financement de 525 Km de chemin de fer, aux fins de nous faciliter la tache, c’est cela un autre pan de l’intégration sous régional. Car croyez-moi personne ne perd, tout le monde y gagne », confie un opérateur économique nigérien qui a voulu garder l’anonymat joint par téléphone.

Le Burkina Faso est lui aussi l’un des perdants de cette situation post électorale en Côte d’Ivoire. A preuve, selon la presse du pays des Hommes Intègres, à la date du 3 janvier dernier, Issoufou Maïga, secrétaire général de l’Organisation des transporteurs routiers du Faso (Otraf) et le directeur général de Conseil Burkinabé des chargeurs (Cbc), Ali Traoré, ont énergiquement dénoncé le blocage de 20.000 tonnes de marchandises à Abidjan. Ce, contre 80.000 tonnes de marchandises bloquées à Abidjan en septembre 2002, date du début de la crise ivoirienne. Non sans révéler que les importateurs burkinabés veulent orienter leurs marchandises vers des ports et zones plus fiables, plus sécurisées notamment les ports du Bénin, du Ghana et du Togo. Les explications d’une telle décision sont données par le secrétaire général de l’Otraf, « c’est avec amertume que nous subissons la crise ivoirienne. Tous les membres de l’Otraf ont peur de mettre leurs véhicules de transport de marchandises sur le corridor ivoirien. Personne ne veut emprunter aujourd’hui l’axe Burkina – Côte d’Ivoire, quel que soit le prix qu’on lui propose », soutient- il. La persistance de la crise post électorale en Côte d’Ivoire, ralentit de façon considérable la desserte du port d’Abidjan vers les pays enclavés. Ce, malgré les atouts attrayants des installations portuaires du paa, qui font de lui un « hub de référence ».

… mais compétitif

Equipé le port d’Abidjan d’infrastructures de pointes et modernes en temps de crise (2002-2004) était un défi aussi bien pour l’autorité portuaire d’Abidjan que pour le groupe Bolloré Africa Logistics représenté par la Société d’exploitation du terminal de Vridi (Setv). Ce défi au fil des années s’est transformé en pari gagnant. Les performances techniques du Paa ont largement dépassé les espérances des autorités portuaires d’Abidjan. De trois portiques à quai et huit (8) portiques à parc pour un investissement de 32 milliards en 4 ans, dépassant largement les 27 milliards prévus pour cinq ans selon les accords. Les nobles ambitions des différents partenaires dudit port avec en tête le Groupe français Bolloré Africa Logistics ont fait accroître ses performances avec l’acquisition de deux autre portiques à quai et huit portiques de parc supplémentaires. Mais que valent des infrastructures modernes adaptées aux exigences du marché dans un environnement commercial de plus en plus compétitif, sans stabilité politique et sociale en Côte d’ Ivoire ? Même si cette énième crise qui secoue la Côte d’Ivoire est, selon certains opérateurs, moins lourde de conséquences contrairement à celle de 2002, il n’en demeure pas moins que les clients du port d’Abidjan se voient confronter à un dilemme. Faut- il se détourner définitivement de ce port leader qui compte parmi les ports les mieux équipés d’Afrique voire du monde, face à l’instabilité devenue chronique de la Côte-d’Ivoire ?

Hervé d’Anvers, Abidjan pour connectionivoirienne.net

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