Côte d’ivoire: Le carnage peut commencer

Ça y est, la Côte d’ivoire va pouvoir enfin s’offrir la belle guerre qui tente, depuis 2002, certains de ses hommes politiques et aussi parce qu’à Paris, à Ouagadougou et à Dakar, on n’en peut plus de trépigner. Logique, la France est désormais trop petite pour la puissance de son président qui, du coup, a fait d’Abidjan un prolongement naturel de son terrain de jeu. Ainsi, malgré ses faméliques 24 % de la cote de confiance en France, Nicolas Sarkozy traite la crise ivoirienne comme un problème franco-français qui se poserait sur le territoire français : péremptoire, directif, paternaliste, martial… Du coup, la Cedeao et l’Union africaine se sont mises au pas : Gbagbo partirait par la force grâce à une force interafricaine, à la force onusienne et à l’armée française qui conjugueront leurs forces pour porter le fer à Abidjan contre l’armée ivoirienne restée, jusque-là, fidèle à Laurent Gbagbo. Ce n’est d’ailleurs pas exclu que la rue se révèle alors l’adversaire inattendu et coriace sous la houlette d’un Charles Blé Goudé.

Rassurez-vous : il ne s’agit pas de déloger un président sanguinaire qui préparerait ou qui s’adonnerait à un génocide, non ! Il est simplement question de régler un contentieux électoral dans un pays souverain. L’immédiateté de cette décision ainsi que le rythme effréné des appels au départ, intimidations, menaces et ultimatums adressés à Gbagbo n’ont d’ailleurs d’égal que l’ennoblissement de la rébellion ivoirienne que la communauté internationale n’a jamais sommée de désarmer conformément au fameux accord de Ouagadougou dont seul Gbagbo a rempli l’intégralité des obligations. On peut toujours disserter indéfiniment sur « la victoire incontestable d’Alassane Dramane Ouattara » ou sur « la justesse et la légalité de la décision du Conseil constitutionnel qui a proclamé Laurent Gbagbo vainqueur », cela ne changera rien à la situation actuelle qui n’offre que deux sorties possibles de crises l’une aussi détestable que l’autre est inacceptable pour peu que l’on ait un peu de considération pour la Côte d’ivoire contrainte, depuis le 19 septembre 2002, à marcher sur une jambe et à travailler avec un seul bras.

Enfin une bonne guerre, une vraie

Il est peut-être écrit que la vie politique en Côte d’ivoire ne pourrait être régulée autrement que par les armes : Un Bédié empêtré dans le discours sur l’ivoirité fut déposé par des militaires qui consentirent, peu de temps après, à reconnaître la victoire électorale de Laurent Gbagbo non sans avoir fait tomber quelques manifestants envoyés dans la rue par le président élu. Deux ans plus tard, une rébellion manque de faire tomber le chef de l’État et va gérer le nord du pays pendant… huit ans. Des médiations et accords se multiplient, mais aucun n’amènera les rebelles à désarmer jusqu’à cette élection qu’il serait, totalement malhonnête, de prétendre qu’elle s’est déroulée dans des conditions normales et que les résultats donnés ou certifiés par les uns et les autres traduisent fidèlement le choix des Ivoiriens. Sinon, la Commission électorale, le Conseil constitutionnel et la Mission des nations-unies en Côte d’ivoire n’auraient pas donné des taux de participations et des résultats finaux différents.

Comment faut-il en sortir ? La France et la Cedeao ne voient pas d’autre solution que « la force légitime ». Enfin s’annonce cette vraie guerre qui règlera la crise ivoirienne. Non sans de jolis dégâts. Il s’ensuivra une jolie guérilla urbaine avec ses corollaires d’enlèvements, expéditions punitives, règlements de comptes ethniques, attentats… Il suffirait de demander aux Congolais de Brazzaville de raconter le charme d’une guerre en pleine capitale. Les uns et les autres pourront ainsi enjamber, avec élégance, de centaines ou de milliers de corps pour gagner le palais présidentiel, les ministères ou encore le siège de la RTI.

Entériner l’inversion des rôles

La solution militaire semble inéluctable mais elle peut encore être évitée. Sarkozy et la Cedeao sont en train de réaliser qu’ils ont proféré des menaces trop vite et trop tôt. Une nouvelle mission de l’organisation sous-régionale va rencontrer Laurent Gbagbo. Sans illusion. Une situation d’enlisement pour laquelle le marathonien Gbagbo est rôdé devient envisageable. Des arrangements seraient proposés et la guerre des légitimités reprendrait. Et si Gbagbo en sort comme président, il sera sans doute dépouillé des prérogatives essentielles dans la gestion politique et économique du pays. Mais son image du patriote et du dernier rempart contre la Françafrique sera sauve. Le silence de Bédié et sa déclaration très tardive du bout des lèvres ainsi que la faible mobilisation de la rue en faveur de Ouattara pourraient inciter la « communauté internationale » à plus de prudence. Par contre, si Ouattara en sort président reconnu par le camp Gbagbo, le FPI grappillera au passage des pans importants de la vie politique et économique qu’il va contrôler un peu comme la rébellion a contrôlé le nord du pays pendant huit ans de la présidence de Gbagbo.

Elle serait alors belle la morale de l’histoire. Mais comme, à chaque fois, au détriment de la nation ivoirienne, des Ivoiriens et de ces millions d’immigrés à qui la Côte d’ivoire a offert les moyens de gagner leur vie.|Botowamungu Kalome (AEM)

afriquechos.ch

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