Le mal dominant dans le bief ivoirien – Par Sémou MaMa DIOP

Par Semou mama diop | Seneweb.com

Il ne s’en ira pas.

Le verdict des urnes, la pression internationale, le sang qui coulera à flots, les cadavres qui s’amoncelleront n’auront jamais raison de son entêtement.

Le jugement de l’Histoire, l’image qu’il donne de son pays, du continent africain n’ont à ses yeux aucune signification. Il s’agirait au mieux que de caprices d’esprits « occidentalisés ».

Les intérêts claniques dont il est le garant, la cause (quoique vile) de sa phratrie sont, dans sa conscience aliénée, largement au-dessus de l’intérêt national. Comprenons-nous bien ! Le « clan » ici n’a aucune connotation ethnique. Ce dont il est question, c’est l’entente d’un groupuscule d’hommes et de femmes ayant une mainmise totale sur l’exécutif, le législatif et le judiciaire, faisant fi de la constitution et des lois, foulant au pied les principes démocratiques dont ils étaient les hérauts d’hier et qui les ont conduits à la place qu’ils occupent aujourd’hui. Ils se tiennent et se soutiennent dans le sentier tortueux dans lequel ils se sont engagés. On ne quitte pas le pouvoir lorsque ce pouvoir garantit les privilèges illégitimes de tout un clan. Partir c’est trahir, c’est sacrifier l’avenir (peut-être la vie) de cette centaine de personnes et de tous ceux qui comptent sur elles (parents, amis et courtisans).

Ce phénomène, mal dominant de l’Afrique (à quelques rares exceptions près), Gbagbo en est aujourd’hui l’incarnation. Mais qu’on se le dise hic et nunc, bon nombre de dirigeants africains en prennent l’infernal chemin. Car, ils ont déjà posé et entériné les actes qui ne mènent qu’à cette unique impasse.

Gbagbo a 65 ans. Mais, il paraît si jeune et si fraichement élu en comparaison de ses pairs africains qu’il lui apparaît comme une injustice de quitter le pouvoir après seulement dix « petites » années d’exercice.

Pour fédérer quelques esprits crédules autour de son hold-up, il accuse la communauté internationale notamment la France d’ingérence. Ce geste est habile lorsqu’on sait que cette France-là, ancienne puissance coloniale, possède une réputation putrescible en Afrique pour avoir soutenu des dictatures et contribué à renverser des régimes démocratiquement élus. L’adoubement par l’Elysée des petits d’Eyadéma et de Bongo (et bientôt de la couvée de Wade au Sénégal) n’est pas pour apporter une brise de désodorisant dans cette atmosphère suffocante. La France doit comprendre que pour que sa voix soit haute et audible, elle doit cesser de ruser avec ses principes.

Mais ce sera en vain que Gbagbo invoquera la souveraineté de l’Afrique pour justifier son coup. Gbagbo n’est pas crédible. Son argument ne tiendra guère. Car la puanteur de ton voisin n’explique pas le bourdonnement des mouches autour de tes fesses.

Des réactions malheureuses comme celle du Premier secrétaire du Parti Socialiste sénégalais félicitant Laurent Gbagbo sont à bannir. Ousmane Tanor Dieng ferait mieux de s’inspirer de la leçon du président Abdou Diouf dont il était le plus proche collaborateur. Il y a dix ans, l’ancien président sénégalais s’était empressé de féliciter son adversaire avant même la proclamation des résultats du second tour des élections présidentielles lorsqu’il a compris que celui-ci avait la faveur des urnes.

Si Ousmane Tanor Dieng veut jouer un rôle majeur dans les prochains mois au Sénégal, qu’il commence à remuer ses neurones sept fois dans son ciboulot avant de se prononcer sur des sujets aussi sérieux. Ce n’est pas parce que Gbagbo est l’ennemi juré de Wade qu’il devrait en faire son inconditionnel allié. Sinon, rien ne lui interdit désormais de songer les soirs de clair de lune à raconter des histoires de Leuk-le-lièvre à ses petits enfants. Retraite inespérée après de bons et loyaux services rendus à la bêtise.

Les Africains d’où qu’ils soient ne gagneront pas un piquini à cautionner ce genre de comportement. Baoulé, Sénoufou, Bété, Dioula ou Malinké, notre conscience d’hommes modernes souffre atrocement face à de tels agissements. Aux générations futures, l’Afrique devra offrir un autre visage. Celui d’une terre où les idéaux de paix, de justice, de démocratie et de liberté seront irrémédiablement garantis.

Il nous appartient aujourd’hui de dénoncer avec la plus grande vigueur, de condamner avec la plus grande fermeté ce geste insensé du clan Gbagbo afin que demain aux bords de nos marigots l’on puisse y promener galamment dame Démocratie sans avoir à craindre les caprices du mâle (mal) dominant.

En attendant, fasse le Ciel que les armes se taisent à jamais en Côte d’Ivoire !

Sémou MaMa DIOP

Ecrivain

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