Côte d’Ivoire – Combattre le désordre dans les établissements privés

Kandia

Un établissement scolaire privé n’est pas un état dans un état – il faut combattre le désordre qui règne dans ce secteur …

Un fondateur d’établissement privé n’est pas au-dessus des lois parce qu’il aura fondé une école. Dans une République (res – publica = chose publique), à travers les institutions, c’est la Loi qui gouverne « J’appelle République un État gouverné par les lois. » (Rousseau, Du contrat social). C’est dire qu’une République n’est pas une Cour des Miracles où il est permis à chacun de faire ce qu’il veut. Un établissement scolaire privé, n’est donc pas un État dans un État qui fonctionnerait selon des principes se déployant dans les marges de ceux définis par un régime politique qui tient les rênes de l’appareil de l’État. Il est grand temps de mettre un bémol à l’atmosphère paillarde qui règne dans ce secteur, cet abus d’autorité qui fait du fondateur, un monarque ayant droit de vie et de mort sur ses employés. Les recrutements et les renvois y sont faits selon les désirs et les caprices de cet être, en général à l’ego surdimensionné qui se donne fallacieusement les mensurations d’un démiurge. Pour un établissement sérieux, mu par l’idée d’apporter sa pierre à l’édification d’un système éducatif de qualité, les recrutements d’enseignants devraient être soumis à un test rigoureusement sélectif après présentation des parchemins des candidats. Que nenni ! On préfère s’accommoder de candidats au savoir douteux et aux acquis pédagogiques des plus détestables n’ayant obtenu que le BEPC ou le Baccalauréat à qui sont confiés des classes de Terminale. Là encore, c’est dans le meilleur des cas. Il est des enseignants exerçant dans le privé qui n’ont aucun diplôme (je ne suis pas en train d’affabuler, ce que je dis peut être vérifié sur le terrain). Ceux-là sont les plus prisés par les fondateurs car ils ont la pleine latitude de leur proposer les émoluments qu’ils veulent sans pour autant être opposés à quelque résistance que ce soit. Ils leur sont donnés des emplois du temps dont les contenus horaires ressemblent, trait pour trait, à de la servitude organisée, de l’esclavage. Certains culminent jusqu’à 30 heures de cours par semaine sans omettre des heures complémentaires à exécuter pour des salaires de misère, qui plus est, payés de façon latitudinaire (plusieurs mois d’impayés de salaires dans de nombreux établissements privés primaires ou secondaires). Il est même des enseignants pluridisciplinaires qui enseignent plusieurs matières à la fois pour des appointements dépassant rarement 80.000 F CFA (quatre-vingt mille francs) (environ 122 euros). En situation d’exploitation, de négation des droits les plus élémentaires du travailleur, la grève est un recours légal, lorsque le dialogue n’a pas pu permettre d’engranger les résultats escomptés. Mais dans cette dictature infernale, aller à la grève est systématiquement sanctionné par des renvois abusifs devant les regards quelquefois complices des autorités. Dans ces conditions, comment obtenir un enseignement de qualité, des résultats satisfaisants dans ces établissements ? Qu’attendre d’un enseignant évoluant dans une telle atmosphère intenable ? Pour survivre, beaucoup sont obligés de s’adonner à des pratiques peu recommandables, déculottantes pour toute la corporation comme par exemple marchander les notes (certains enseignants du primaire et du secondaire publics s’y adonnent, mais le mal se pose avec plus d’acuité dans les établissements privés), organiser la fraude lors des examens à grand tirage. Je peux le certifier, nombre d’enseignants du privé le font en se parjurant, en allant contre leurs principes c’est-à-dire malgré eux-mêmes car, comme le disait Marx « l’extrême pauvreté nuit à l’exercice de la vertu. » (Cf. Le Capital). C’est pourquoi, j’invite l’État à être plus que regardant sur ce qui se passe dans ce secteur, si tant est que l’excellence prônée s’enracine réellement dans une volonté politique de fer et non un effet d’annonce. Cela paraît d’autant plus nécessaire que l’État y affecte, chaque année, des milliers d’enfants. Il serait vraiment séant de respecter un certain décorum que nous nous sommes librement donné en vérifiant les parchemins des enseignants qui y sont employés et les conditions salariales et de travail qui leur sont imposées. Car, c’est vraiment inhumain ce qui se passe sous nos yeux. Je connais un fondateur qui préfère construire des mosquées, parrainer des cérémonies festives à coups de millions que de payer les émoluments de ses enseignants. C’est tout simplement intolérable dans un pays comme la Côte d’Ivoire qui fait de l’école, l’un des piliers de son développement. Je n’ai de cesse de le dire, l’émergence, c’est d’abord des hommes de qualité, bien formés. Le reste coulera de source. Il est grand temps de mettre au pas ces fondateurs véreux n’ayant aucune considération pour la vie humaine, pour l’école qui est plus, pour eux, un business que tout autre chose. J’exhorte également les parents d’élèves à donner de la voix pour que cessent ces pratiques. Envoyer un enfant ou des enfants dans un établissement privé, c’est débourser de l’argent, quelquefois, beaucoup d’argent, tout en espérant que soit assuré à son rejeton une formation de qualité. Mais un maître ou un professeur qui n’ont pas été payés depuis plusieurs mois peuvent-ils être performants en classe ? Un maître ou professeur pourchassés par des créanciers déterminés à rentrer en possession de leurs dus peuvent-ils dispenser de bons cours et obtenir des résultats ? Il faut mettre fin à ce théâtre qui a cours dans ces lieux du savoir. Un établissement scolaire, fût-il privé, n’est pas une monarchie livrée en pâture aux délires et folies d’un démiurge d’opérette. Dieu nous garde !!!

Docteur Sékou Oumar DIARRA
Professeur de philosophie
E-mail : diarra.skououmar262@gmail.com

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